Géologie et Karst

De l’eau douce en mer…?…Le phénomène:

Voila ce que l’on savait et…. écrivait en 1973…

Extrait du rapport Syndicat de Recherches de Port Miou (SRPM) -Centre Nationale d’Exploitation des Océans (CNEXO) , H.Paloc(Brgm) -L.Potié (Sem) 1973:

“…Il s’agit de sources sous marines, c’est à dire d’arrivée d’eau souterraine dans la mer par un point privilégié d’un réservoir aquifère karstique où se trouvent concentrés totalité ou partie des écoulements provenant de ce réservoir” ; une partie de ce réservoir aquifère peut être directement ou indirectement en contact avec le milieu marin.

Du point de vue chimique, ces sources sont sujettes, le plus souvent, à des contaminations plus ou moins fortes et plus ou moins périodiques par l’eau salée provenant du milieu marin.Du point de vue hydraulique ces sources sont soumises aux lois qui régissent les équilibres eau douce –eau salée.

Du point de vue économique ces sources trouveront un usage qui est fonction de la demande, elle-même fonction de la qualité chimique exigée, du débit et de sa pérennité…., “

Karstification: Comme la quasi-totalité de ce type de sources les résurgences de Port Miou et du Bestouan sont issues de formations carbonatées (calcaires) très “karstifiées”, c’est à dire qu’il contient un réseau de drainage organisé à la faveur de la fissuration et fracturation de la roche calcaire, où la circulation des eaux a entrainé un processus d’altération par érosion et dissolution.
Ce milieu karstifié est un aquifère particulier avec des paramètres perméabilité et porosité particuliers. La perméabilité y est élevée grâce au réseau de drainage. À la porosité de “drains”, due à la karstification, est associée une porosité de fissures, liée à l’importance des déformations tectoniques subies par les formations. S’y associe également une porosité d’interstices plus importante que ce que l’on pourrait supposer à priori.
Ces divers caractères spécifiques des terrains calcaires, sont fondamentaux et doivent être présents à l’esprit à l’occasion de toute étude en région littorale.
Du point de vue hydraulique, le régime de l’eau dans un réservoir calcaire karstifié est fonction de la perméabilité, des différents types de porosité qui peuvent s’y rencontrer et de leur importance relative, et résultera de leurs charges hydrauliques respectives.
Les mécanismes de stockage et de déstockage dans un tel réservoir se dérouleront avec des durées variables, fonction de chaque type de porosité, les vitesses de transfert de l’eau y étant très différentes, pouvant atteindre plusieurs mètres par seconde dans les conduits ou chenaux et moins du millimètre par seconde dans les interstices.
Ce processus de ‘‘karstification’’ s’est exercé dès l’émersion des massifs rocheux et a du se reproduire, dans des conditions variables d’intensité et de durée, à diverses époques géologiques, et dans des conditions géographiques et structurales différentes de celles d’aujourd’hui.
La possibilité d’existence d’exutoires étagés ou dispersés dans un karst, est la conséquence des mouvements respectifs de la mer et des continents et de leurs situations diverses au cours des périodes géologiques. A cet égard Il faut tout de même rappeler que la Méditerranée est restée pratiquement asséchée de la fin du Miocène au début du Pliocène, le fond du bassin où venaient aboutir les fleuves se trouvant à environ 1 000 m plus bas que le niveau actuel de la mer (59), de même que d’importantes fluctuations de son niveau se sont produites durant tout le Quaternaire depuis la glaciation ‘‘rissienne’’.
Ce qui explique que les réseaux karstiques alimentant les rivières de Port Miou et du Bestouan se rencontrent au-dessus et au-dessous du niveau marin actuel…”

Ci-dessous, les coupes géologiques du bassin de l’Arc et du Beausset liés à l’alimentation des rivières de Cassis.

coupe monteau-2

Coupe géologique N-S par R. Monteau (Potié-Ricour)


coupe monteau-1

Coupe géologique E/O par R. Monteau (Potié/Ricour)

Ce que l’on pressentait…en 1973

Extrait du même rapport “SRPM -CNEXO”

“… l’existence de ces karsts “enfouis” sous le niveau marin est notamment attestée par les observations faites à l’occasion de plongées profondes … et par les données révélées par de nombreux forages, aussi bien sur les continents qu’au large des rivages … : des cavités naturelles importantes ont ainsi été rencontrées jusqu’à plus de 1000 mètres en dessous du niveau marin … ; la galerie sous marine de PORT MIOU, explorée sur plus de 1 km de longueur jusqu’à une profondeur de 45 m, en apporte également une preuve ….”

Ce que l’on sait aujourd’hui à la lumière des découvertes récentes…

L’explication de la genèse de ces circulations souterraines sous le niveau marin, a alimenté longtemps les conversations des karstologues et autres, jusqu’à ce que des découvertes assez récentes (Bonifay, Clauzon….) n’apportent une explication à ces questionnements académiques et mettent en évidence une karstification très ancienne (et profonde !) de nos massifs carbonatés.
au cours de la période dite ‘‘Messinienne’’ (5MA), à l’occasion d’un dernier bouleversement (“Eustatic changes during the Messinian-Pliocene eustatic cycle”), effet probable des chocs entre les plaques africaine et apulienne, le niveau de la Méditerranée se situait à quelques 1.000 m à 1.500 m sous son niveau actuel. La Méditerranée ne communiquait alors pas avec L’Atlantique. ! On peut supposer que, aussi durant cette période (!), une karstification importante a pu se développer dans les masses carbonatées crétacé, jurassiques…voire triasique.

Parlons un peu plus de cette ‘‘histoire de la karstification’’ récentes ou anciennes (“Paleokarst”) à la lumière des grands bouleversements géologiques qui ont modelé la planète…

Remettons nous au “compteur de temps”…géologique…

Sans remonter trop loin (…au jurassique …pas plus de 150 MA …. ! …) de grands phénomènes tectoniques, liés à la rupture du manteau océanique, ont commencé à structurer notre continent européen …et les autres! Ils ont permis à différents bras (ou franges) de Téthys, d’envahir le ‘‘vieux continent’’ (Gondwana), d’ amorcer un “sillon” entre Europe et Afrique et d’initier, avec la rupture du manteau océanique, l’ouverture de l’Atlantique, l’individualisation des plaques eurasienne, africaine, apulienne… d’encourager leurs confrontations tournante, lente et brutale, qui ont entrainé le ‘‘grand carambolage’’, commencé dès la fin du Crétacé pour la zone “Provence-Pyrénées”, au début du Tertiaire (40 MA) pour les Alpes….Ces mouvements de plaques ont structuré nos petits compartiments méditerranéen et européens (pyrénéen, provençal, alpin, …)
 
Une partie des dépôts sédimentaires carbonatés marins (jurassiques, crétacés..) s’est trouvée alors exondée…cette partie émergée a alors commencé à subir les lois de l’érosion et en particulier, pour ce qui nous intéresse, les phénomènes de karstification …que les spéléologues connaissent bien…c’est leur terrain de prédilection et de passe-temps favori …l’exploration des trous….
Régressions, transgressions des 18.000 dernières années
Il faut aussi parler de la dernière régression due à la dernière glaciation, celle de Würm, qui vit le niveau de la Méditerranée baisser de 120 m. Elle est l’explication des peintures retrouvées dans la grotte Cosquer, dont l’orifice s’ouvre maintenant à 40 m sous la mer.

Et l’Homme la-dedans…?

Comme nous l’avons vu par en bibliographie, l’homme connaît depuis longtemps ces arrivées d’eau douce dans la mer. Mais, il fallait l’arrivée des scaphandres autonomes modernes (1943-46) pour pouvoir étudier ces sources marines.

Le scaphandre autonome et la progression de la compréhension…

Grâce au scaphandre autonome ( 1943-1946 ), les plongeurs spéléologues, prédécesseurs de nos spéléonautes d’aujourd’hui, ont pu commencer l’exploration des littoraux calcaires. Ils ont commencé à mettre “palme-masque-bouteilles” en mer pour fouiner vers ces orifices d’où sortaient ces flots d’eau..”plus douce” et peu à peu pénétrer et explorer les premiers mètres des grottes immergées.
C’est le cas à Cassis des résurgences de Port Miou et du Bestouan. Après l’OFRS (Cousteau), Claude Touloumdjian, le SRPM avec H.Portail le GEPS, les plongeurs de La Tronche (38) progressèrent dans l’exploration des deux rivières.

Les profondeurs atteintes à Port Miou, -80 m en 1972, ont alors donné de la consistance à l’hypothèse d’un karst profond préexistant…Diverses observations (forage IFP en mer…) ont étayé cette idée.

Les travaux d’océanographes (géographes, géologues…) ont dans les décennies 60-70 mis en évidence les fluctuations du niveau de la Méditerranée au cours de divers cycles de régressions consécutives aux différentes périodes glaciaires (Bonifay). On admettait alors que le niveau des mers était, il y a quelques 18.000 ans (régression “grimaldienne”) à environ 120 m sous le niveau actuel.

Mais le compte n’y était pas !

A Port Miou Les observations du SRPM, faites sur la base des relations ‘‘eau douce eau salée’’ (Ghyben-Herzberg) montraient que malgré une charge d’eau douce élevée (jusqu’à 5m au dessus du niveau de la mer) les eaux restaient légèrement saumâtres avec des teneurs minimales de l’ordre de 1g/l (Janvier 1978). L’interface devait obligatoirement se situer à quelques 200 m (ou plus) sous le niveau de la mer et des communications profondes (fracturations, galeries..) devaient relier la zone noyée par l’eau de mer et le réseau supérieur visitable (en plongée !) où s’écoulait les eaux douces.
Influence des phénomènes climatiques

On savait dans les décennies 1970 1980 que les niveaux (piézométrique) des aquifères karstiques avaient du suivre les fluctuations des divers périodes glaciaires, avec un épisode paroxysmal (régression grimaldienne, environ18.000 ans b.C) à quelques 120 m sous le niveau marin actuel. Les explorations des plongeurs du SRPM et du GEPS avait permis d’atteindre quelque 80 m sous le niveau de la mer dans la rivière de Port-Miou.

L’hypothèse d’une karstification profonde avait été prise en compte dès 1970 pour la conception du premier barrage expérimental partiel (dit ‘ en chicane’’). Un forage expérimental en mer (IFP) à proximité de l’Ile de Riou avait montré la présence de karst à grande profondeur (600 m). Cette hypothèse s’est trouvée confirmée après la réalisation de ce premier ouvrage au vu des observations faites sur la permanence d’un résidu de salinité an amont du barrage [Rapport SRPM : (BRGM 74-SGN-272) ‘‘Observations sur les effets du barrage expérimental de Port Miou. (L.Potié)] . Cette hypothèse, partiellement confirmée, a amené les responsables du SRPM à la réalisation d’un second barrage expérimental qui prévoyait une surélévation du niveau piézométrique avec un seuil de déversement à 3, 65 m (Ngf). La permanence d’un résidu de salinité, malgré cette mise en charge, (1976-1977) a amené les concepteurs à admettre (Ghyben-Herzberg) l’existence d’une karstification beaucoup plus profonde.

Influence des phénomènes géologiques

Ce fait a été par la suite confirmé par les plongées (-178 atteint) et par les études (pétrolières) sur la période messinienne (5 MA), qui ont fait apparaître un niveau de la Méditerranée à quelques 1000 m (ou plus) sous son niveau actuel. La Méditerranée ne communiquait alors pas avec L’Atlantique ! Mais c’est une autre histoire…

On peut donc raisonnablement supposer que durant cette période une karstification importante a pu se développer dans les masses carbonatées jurassiques, crétacé, voire triasique

C’est bien ce que pressentait déjà le rapport “CNEXO-SRPM”:en 1973….

QUELQUES EXEMPLES EN 2020

L’évolution des techniques et les plongées profondes faites depuis 1973 par les plongeurs ou par les ROV, nous ont apporté d’autres éléments. Il nous a paru intéressant de traiter ici quelques siphons descendant beaucoup plus bas que le niveau de la mer. Nous verrons que les causes de ces profondeurs sont diverses.

Les siphons plus bas que le niveau de la mer : siphons-sous-mer

Nous contacter

Merci de nous laisser un petit message auquel nous répondrons très rapidement

Commencez à écrire le texte à rechercher